Gouvernance : le chantier prioritaire de la refondation de la santé !
Publiée dans Le Monde le 9/06/2023
Plus de 100 professionnels de santé de tous secteurs, au sein de l’Institut Santé, estiment que la refonte de la gouvernance est un chantier prioritaire pour sortir notre système de santé de la crise actuelle. Les ARS n’ayant pas démontré leur efficacité, ils suggèrent de ramener les services de l’Etat en santé publique dans les Préfectures.
Cette tribune fait suite à une conférence de consensus organisée par l’Institut Santé le 19 avril 2023.
Alors que la refondation de notre système de santé est inscrite dans l’agenda politique, la réforme de la gouvernance de ce secteur est sans doute la réforme la plus consensuelle et la plus restructurante.
La gouvernance désigne l’ensemble des décisions, règles et pratiques visant à assurer le fonctionnement optimal d’une organisation (ici la santé), ainsi que les organes structurels chargés de formuler ces décisions, règles et pratiques, de les mettre en œuvre et d’en assurer le contrôle.
Nous allons centrer notre analyse sur le big bang initié en 1996 (ordonnances Juppé) et finalisé en 2009 (loi Bachelot) qui a conduit à l’instauration des agences régionales de santé (ARS).
La greffe des ARS n’a pas pris
Une des raisons de la création des ARS était de disposer d’un pilotage unifié de la santé, intégrant le sanitaire et le médico-social à travers des « Préfets sanitaires régionaux », extérieurs au corps préfectoral institué par Napoléon en 1800.
Outre cette volonté d’unification propre à la santé, la création des ARS s’inscrivait dans une volonté de renouvellement des modes d’action publique venue des pays anglo-saxons et nordiques. Cette vague, dite d’« agencification » a connu une expansion rapide en France conduisant à la création de 1244 agences publiques, dont les 19 ARS. C’est la pertinence de cette voie qui est en question aujourd’hui pour la santé.
Avec l’instauration des ARS en 2010, force est de constater que l’on est passé d’un modèle décentralisé et déconcentré de l’État en santé – autour des ex-directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales -, à un modèle peu déconcentré et pas du tout décentralisé.
Le crash-test de la crise Covid a été un révélateur des limites du modèle ARS, prisonnier de son organisation bureaucratique et pas assez connecté aux acteurs et aux territoires. Le préfet, en région et en département, a été le vrai pilote de la coordination des actions et de la transmission des instructions nationales de l’État lors de la Covid. Au point qu’il est maintenant officiellement le seul patron de la gestion des futures crises sanitaires.
Le but d’unifier et de renforcer l’action de l’État pour améliorer la gestion de la santé dans les territoires a également échoué. L’État sanitaire en mode agence se montre largement impuissant à gérer la crise de l’hôpital public, la désertification médicale, le déploiement du numérique, la fluidité des parcours des patients chroniques…
Enfin, la mission régalienne prioritaire de l’État est de garantir la sécurité de toute nature des citoyens : physique, économique, social, sanitaire. Le scandale des Ehpad a montré l’impuissance des ARS à prévenir les dérives et à les corriger. A cela s’ajoute maintenant les pertes de chance dues au déclin de l’accès aux soins.
Malgré le réel dévouement du personnel de ces ARS pour l’État, leur bilan factuel impose aux responsables politiques de reconsidérer cette gouvernance publique sanitaire.
La compétence régalienne des préfets s’impose en santé publique
Le préfet est le dépositaire de jure de l’autorité de l’État dans les départements depuis plus de 200 ans, et sous forme d’administration régionale depuis le décret du 14 mars 1964. Il est le représentant du Premier Ministre et de chacun des Ministres, et est le garant de la cohérence de l’État dans les régions et départements. L’intégration de la compétence sanitaire sous la tutelle des préfets n’est pas un big bang mais un retour à l’organisation originel de l’État français.
La réforme des régions de 2014 a créé 13 régions en métropole, trop grandes pour nombre d’entre elles pour piloter la santé qui est avant tout une affaire locale. Les services sanitaires de l’État en local doivent être fortement intégrés dans les territoires, proches de tous les acteurs et armés de compétences techniques en santé publique.
Le préfet de département, à condition de lui rattacher certaines compétences de santé publique (comme la santé scolaire et la santé au travail), est, de par son expertise, son image et son autorité, la personne de choix pouvant remplir ce rôle. Il a l’expertise de collaborer au quotidien avec les opérateurs publics et privés locaux, et est l’interlocuteur naturel des collectivités territoriales au nom de l’État. Le niveau régional en santé est davantage un échelon de stratégie, de coordination et d’investissement, qui correspond aux responsabilités des préfets de région.
De plus, l’évolution indispensable de notre système de soins vers une approche de santé globale, qui dépasse le curatif et intègre tous les déterminants de santé (économiques, sociaux, environnementaux, qualité de vie), plaide pour un retour de la tutelle des préfets en santé publique. C’est le rôle de ces derniers de coordonner les politiques publiques transversales, tout en laissant une autonomie aux acteurs.
Un chantier au sein d’une réforme systémique
Cette réforme de la gouvernance proposée par l’Institut Santé n’a de sens que si elle s’intègre dans une refonte globale du système et de son financement. Entre autres, elle devrait s’accompagner de la création d’un service public territorial de santé pilotée par la branche santé de la sécurité sociale, qui en garantirait l’autonomie opérationnelle et l’efficience.
Ce retour aux sources de l’organisation de l’État ne sera pas une baguette magique pour régler l’ensemble des problèmes de notre système de santé. Cependant, c’est une réforme qui combine des ingrédients intéressants dans le contexte actuel. Elle est largement consensuelle, source d’économies significatives en dépenses publiques (administratives) et un vrai levier pour initier la transformation de notre système de santé vers un modèle préventif et global dit de santé publique.
Enfin, si l’État considère que la santé est véritablement un sujet central dans notre société du XXIème siècle, si la France veut recouvrer un système de santé de référence à l’échelle mondiale, il doit alors utiliser son mode d’administration territoriale le plus efficace utilisé pour ses missions régaliennes.
L’ensemble des signataires de cette tribune ont participé à la réflexion menée par l’Institut Santé, centre de recherche indépendant et transpartisan dédié à la refondation du système de santé français, composé d’un collectif de personnalités du milieu médical, universitaire et de la recherche.
Saïdi Abdelkader, Chirurgien, Expert en Gestion de Crise, Nouvelle-Calédonie
Abdel Aissou, Haut-Fonctionnaire
Françoise Alliot-Launois, Présidente de l’association de patients AFLAR
Benoit Allenet, Coordinateur Recherche du pôle pharmacie, CHU Grenoble
Thierry Amouroux, Porte-parole Syndicat Infirmier SNPI CFE-CGC
Alain Amzalag, Chirurgien-dentiste
Jean-Marc Ayoubi, Chef de service de gynécologie-Obstétrique hôpital Foch, Professeur à la faculté de médecine de l’UVSQ
Giancarlo Baillet, Directeur chez Centre de gériatrie Beauséjour
Salomon Benchetrit, Chirurgien viscéral, Lyon
Evelyne Bersier, Docteur en droit de la santé, Membre de la chaire Education santé de l’UNESCO
Frédéric Bizard, Professeur d’économie, affilié à ESCP, Président de l’Institut Santé
Dominique Blanc, Président de Ostéopathes de France
Gilles Bonnefond, Pharmacien, Ex président USPO
Pascal Brandys, Président Directeur Général de Phylex Biosciences
Pierre-Henri Bréchat, Médecin spécialiste en Santé Publique et en Médecine Sociale
Thierry Boudemaghe, Chef de service Information médicale, CHU Nîmes
Marie-Hélène Brun, Directrice de l’agence de communication BcomBrun
Pierre Cavailles, Maître de conférences, Vice doyen Pédagogie Pharmacie Grenoble
Jean Christophe Cejka, Fondateur & Président MEDAE
Eric Campion, Chirurgien-dentiste, Toulon
Noelle Cariclet, Psychiatre
Patrick Carlioz, Chirurgien pédiatre, Lyon
Didier Castiel, Economiste de la santé, Université Sorbonne Paris-Nord
Jacques Caton, Médecin généraliste
Jan-Marc Charrel, Patient Partenaire Président association de Patient France Rein
Eric Cheysson, Chirurgien vasculaire, Président de la Chaine de l’Espoir
Laurent Chneiweiss, médecin Psychiatre, Paris
Luc Choulet, Consultant Innovation Organisationnelle & Intelligence Collective
Alain Coulomb, ancien directeur de la Haute Autorité de santé
Philippe Crouzet, Président d’associations d’insertion
Iradj Grandbakhch, Chirurgien, Professeur des Universités, Membre de l’Académie nationale de médecine
Philippe Cuq, Chirurgien vasculaire, Co-Président de Avenir Spé- Le Bloc
Géraldine Dall’Aglio Brambilla, Patiente experte, Membre du Département Universitaire des
Patients Grenoble Alpes (DUPGA)
Jean-François Damour, Médecin angiologue, Ermont
Arnaud Danse, Directeur d’Ophtalmo.TV
Alain Deloche, Professeur de chirurgie, co-fondateur de « Médecins du monde », fondateur de l’association « La Chaîne de l’espoir »
Florence de Rohan-Chabot, Psychiatre, Praticien Hospitalier, Mulhouse
Arnaud Desclos de La Fonchais, Chirugien dentiste
Nathalie Dumas, Patiente experte et membre du Département Universitaire des Patients Grenoble et représentante des Usagers au CHU de Grenoble et Présidente d’association de Patients
Jean-Loup Durousset, Directeur de cliniques
Jocelyn Dutil, Secrétaire général chez CHU Grenoble Alpes
Bernard Ennuyer, Sociologue, enseignant chercheur, spécialiste du vieillissement et handicap
Benoît Feger, Médecin ORL libéral à Angoulême, Président de l’URPS médecins Nouvelle Aquitaine
René Frydman, Gynécologue-Obstétricien, Professeur des Universités
Christelle Galvez, Directrice des soins, Déléguée générale de l’Institut Santé
Patrick Gasser, médecin gastro-entérologue, Co-Président Avenir Spé Le Bloc
Emmanuel Goddat, Directeur d’hôpital et entrepreneur en numérique
Benoit Godiart, Enseignant agrégé en sciences médico-sociales, Université Savoie Mont-Blanc
Olivier Goeau-Brissonnière, Chef de service, APHP, Président des Fédérations des spécialités
Michel Guilbaud, Associé fondateur de BG Group
Fabienne Grimaud, Coordinatrice Territoriale chez FemasAURA&Co
Jean-Paul Hamon, Médecin généraliste, Président d’honneur du syndicat FMF
Jean-Luc Harousseau, Hématologue, Professeur des Universités, Ancien Président de la Haute Autorité de Santé
Richard Hasselmann, Président de Libr’acteurs, Administrateur de l’Institut Santé
Michel Hasselmann, Professeur honoraire de réanimation – Université de Strasbourg
Laurent Hirsch, Chirurgien-Dentiste
Fadi Jamal, Cardiologue et Créateur d’IZICARDIO des centres de cardiologie de proximité pluridisciplinaire
Hubert Johanet, Chirurgien, Secrétaire Général de l’Académie Nationale de Chirurgie
Nathalie Kerjean-Pons, Pharmacien Hospitalier, chef de service AP-HP ; Administratrice de l’Institut Santé
Gérald Kierzek, Médecin Urgentiste, APHP
Jose Labarere, Enseignant-Chercheur
Vincent Lafay, Vice-président des ostéopathes de France
Laurent Lantiéri, Chirurgien, Professeur des Universités, Chef de service de Chirurgie, APHP
Eric Laspougeas, Ex Directeur Général délégué, Vivalto
Patrick Lemettre, Médecin généraliste
Eric Lenfant, Chirurgien-dentiste, Lyon, Président de l’URPS-ARA-CD
Delphine Leprat, Médecin généraliste
Guillaume Levavasseur, Consultant en Santé, Innovation & Communication digitale
Romane Lequertier, Chargée de mission en santé · URPS Chirurgiens-Dentistes Auvergne-Rhône-Alpes
Philippe Liverneaux, Chirurgien orthopédique, Chef de Pôle, CHRU Strasbourg
Bernard Llagonne, Chirurgien Orthopédiste, Epernay
Marina Lovka, Consultante experte en optique ophtalmique
Philippe Marre, Chirurgien, Ancien Président de l’Académie Nationale de Chirurgie
Jean-Philippe Masson, Radiologue, Président de la Fédération Nationale des médecins radiologues
Elodie Martin, Patiente experte
Jérôme Marty, Médecin généraliste, Président du syndicat Union Française pour une médecine libre
Olivier Mercier, Dirigeant d’entreprise
Raymond Merle, Patient expert, Directeur du Département Universitaire des Patients, délégué de l’Institut Santé
Camille Modicat, Responsable Communication territoire Rhône Alpes
Guillemette Moreau Pernet, Masseur-Kinésithérapeute
Jean -Pierre Moiroud, Chirugien dentiste
Pierre Mouton, Chirurgien orthopédiste, Pessac
Ralph Muller, Assistant professeur chez Université de Genève
Arnold Munnich, Pédiatre généticien, Professeur des Universités
Nada Nadif, Consultante en management de la santé
Patrick Négaret, Ancien Directeur général de la CPAM des Yvelines
Christophe Ouvrard, Chirugien dentiste
Didier Panchot, Chirurgien-dentiste, Palaiseau
Patricia Paterlini-Bréchot, Professeure de biologie cellulaire et d’oncologie à la faculté de médecine Necker-Enfants Malades
Maryline Peyroche, Infirmière et Patiente-experte et Praticienne thérapie alternative
Christophe Pison, Pneumologue, Professeur des Universités, CHU Grenoble
Maxence Pithon, Médecin généraliste, Langeac, Ancien Président de l’Isnar-Img
Audrey Pradines, Assistante de direction et de projet
Elodie Prodeo, Chargée de Projets Medicalps
Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France
Marie-José Renaudie, Gynécologue, Présidente du syndicat des gynécologues médicaux
Philippe Rey, Infirmier Libéral
Daniel Rosenweg, auteur et ancien grand reporter spécialiste de l’économie de la santé
Azita Sarve, Responsable Hospitalière
Alexandre Sage, Chirurgien-dentiste, Président de Solident
Bernard Schmitt, médecin, ancien cadre dirigeant de la CNAMTS
Jean Sibilia, Professeur des Universités, Ancien Président de la conférence des doyens des facultés de médecine
Ghislaine Sicre, Infirmière, Présidente de Convergence infirmière
Karem Slim, Chirurgien, CHU Clermont-Ferrand, Président de GRACE
Daniel Solaret, Conseil et expertise en système d’informations santé, Ancien membre du conseil de Direction CRAM IDF
Florence Therond, Responsable Pôle URPS CD AUVERGNE RHONE ALPES
Clermont-Ferrand et périphérie
Bérangère Thibaud, Ergothérapeute
Jean-Pierre Thonier, Expert Santé au travail
Laurent Tissier , Patient de l’association de l’AFLAR
Jean-Louis Touraine, Professeur émérite de médecine, Député Honoraire
Franck Touche, Patient et président de l’ADASIR
Michel Tsimaratos, Professeur de médecine
Jacques Vermeulen, Chirurgien-dentiste
Amandine Veyre Infirmière
Philippe Vermesch, Médecin stomatologue, Président du Syndicat des médecins libéraux
Benoit Vignes, Chirurgien urologue, Président de la CMG du GHT78sud, Ancien Président du Syndicat National des chirurgiens urologues français
Antoine Villard, Médecin Généraliste 38
Jérôme Villeminot, Chirurgien Orthopédiste
Francis Weill, Président du Conseil d’administration de l’Hôpital Suisse de Paris
Frank Zanibellato, Directeur filière sanitaire établissement
Serge Zaluski, Médecin Ophtalmologiste, Perpignan, Cofondateur d’Alaxione