Covid-19 : le plan de sortie de crise, c’est maintenant !
L’allocution du Président de la République du 13 avril a esquissé un plan de sortie de crise qui doit être présenté le 28 avril à l’Assemblée Nationale. L’Institut Santé, à l’aide de son large réseau d’expertise transdisciplinaire, a publié le 9 avril un plan détaillé de sortie de crise Covid19 (1) comprenant sept recommandations stratégiques.
Si les deux plans reposent sur des hypothèses de travail très proches, dont l’inscription du plan sur un temps long jusqu’à la sortie d’un vaccin (2021), des divergences existent et nous amènent à distinguer les mesures qui devraient faire l’objet d’un débat et celles qui sont peu discutables.
Les mesures peu discutables
La première mesure inévitable est la disponibilité de l’arsenal de protection sanitaire indispensable pour permettre une sortie du confinement général contrôlée. Tests sérologiques, tests PCR, masques de types différents, kits de protection complets, gel hydro alcoolique… C’est une course contre la montre pour disposer du matériel en quantité et qualité adéquates par rapport aux besoins identifiés. Le déconfinement se prépare bien dès maintenant.
La deuxième mesure inévitable est la prise en compte des statuts immunitaires des personnes vis-à-vis du Covid19. Il existe trois groupes : les immunisés (après test sérologique positif, groupe A), les porteurs du virus (après test PCR positif, groupe B), les non immunisés et les non porteurs (groupe C). Même si des questions demeurent, les membres du groupe A peuvent être déconfinés dès un test sérologique fiable réalisé et participer à toute activité économique et sociale tout en respectant les règles de protection. Le Groupe B doit être strictement confiné pendant au moins 14 jours, à l’écart de toute personne du groupe C, dans des lieux à prévoir. Tous les contacts récents de ce groupe B sont à tester en PCR.
Le déconfinement s’applique à l’ensemble de la population, sauf au groupe B. Parce que nous sommes sur un temps long avant le retour à une vie normale, chaque citoyen doit maitriser la distanciation sociale et les gestes barrière. Toute personne à risque (âgée et/ou avec des comorbidités) doit redoubler de vigilance et être encadrée de conseils et services dédiés si nécessaire. La continuité du confinement pour une partie de la population est de toute façon inapplicable car incontrôlable en démocratie en général et en République française en particulier. Soit le plan est réaliste et s’applique dans l’ordre, soit il ne l’est pas et s’appliquera dans le désordre.
Un contrôle sanitaire strict aux frontières du territoire français doit s’appliquer à toute personne avec prise de température systématique et informations sur le parcours de chacun pour être facilement identifiable si la personne devient un cas contact. Tout cas suspect est à contrôler par test PCR sur place pour vérifier la présence du virus et à confiner strictement en cas de résultat positif, dans des lieux à prévoir. Une information massive aux frontières, aéroports et gares sur les règles de protection et de comportement à respecter dans plusieurs langues est à préparer. Le déconfinement, c’est vraiment maintenant !
Un Comité national de refondation de notre système de santé (incluant le médico-social et la dépendance) est à instaurer pour concevoir les recommandations stratégiques et opérationnelles qui serviront de base pour une grande loi santé en 2021. La sortie de crise par le haut passe par notre capacité à tirer les leçons de cette crise sanitaire, à nous inspirer des expériences internationales qui ont fonctionné et à profiter de la concorde nationale (transitoire) pour agir. C’est en mai 1943 que le Conseil National de la Résistance a été créé pour transformer la société française en octobre 1945, avec notamment la création de la sécurité sociale. Demain se prépare maintenant.
Les mesures à débattre
Les modalités à mettre en place pour garantir le respect du confinement individualisé strict des personnes testées PCR covid+ (groupe B) et l’identification de tous les cas contacts sont à débattre tant c’est le point névralgique du plan de sortie qui touche aux libertés fondamentales. Le non contrôle de ces personnes a forcé la France, et d’autres pays, à entrer en confinement général et aura les mêmes conséquences si la situation se poursuit (c’est étonnamment toujours le cas aujourd’hui). En revanche, le contrôle strict de ces personnes a permis à plusieurs pays de ne jamais confiner collectivement leur population.
L’Institut Santé recommande, sur la base du consentement éclairé de personnes, l’usage du traçage numérique (strictement limité dans le temps), des applications mobiles et l’attribution d’attestation nominative du statut immunitaire le temps du plan.
La reprise des activités économiques et sociales nécessitant la réception du public et une interaction sociale intensive (restaurants, rassemblements sportifs, culturels…) est un point sensible. Un cahier des charges des conditions de fonctionnement pourrait être défini pour garantir la capacité de ces activités à faire respecter les règles de protection des personnes (masques, distanciations, gels…). Une autorisation spéciale pourrait être délivrée par une force sanitaire départementale dédiée. La faisabilité de telles modalités est à débattre secteur par secteur. Pour les transports publics, leur remise en marche est indispensable mais là aussi, la garantie du respect d’un cahier des charges est nécessaire et à préparer dès maintenant.
Le cas de l’école est un des plus complexes. Même si la reprise normale des cours semble difficile avant septembre, se pose la question des critères de choix de ceux qui peuvent y retourner dès le déconfinement, sans risque pour les enseignants car le faible nombre d’élèves peut se gérer dans les règles de sécurité. Les élèves les plus en difficulté pendant l’enseignement à distance, les enfants de parents sans possibilité de garde et sans options de télétravail, les familles monoparentales pourraient être considérés comme prioritaires.
La liste des points peu discutables révèle déjà l’intensité et l’urgence de mobiliser certaines ressources dès maintenant pour déconfiner début mai. Les points qui font débat montrent les enjeux démocratiques que le plan final de sortie de crise engendre. Pour débattre, il faut un plan stratégique gouvernemental écrit maintenant dès maintenant pour débattre et décider des points discutables.
Enfin, le succès de tout plan de sortie reposera sur l’information et l’appropriation individuelle par chaque citoyen de ce plan. C’est une véritable démocratie sanitaire qui est à créer en quelques semaines, ce que nous avons omis de faire ces vingt dernières années.
Jean-Marc Ayoubi, Chef de service de gynécologie-Obstétrique hôpital Foch, Professeur à la faculté de médecine de l’UVSQ ; Catherine Audard, Philosophe, London School of Economics ; Evelyne Bersier, Docteur en droit de la santé; Frédéric Bizard ,Professeur d’économie affilié ESCP, Président de L’Institut Santé ; Pierre-Henri Bréchat,médecin spécialiste en santé publique ; Florence de Rohan-Chabot, Psychiatre, Praticien Hospitalier; Alain Coulomb : Ancien directeur de la Haute Autorité de Santé ; Christelle Galvez, Directrice des soins, Centre Léon Bérard, Lyon ; Alain Deloche, Professeur de chirurgie, co-fondateur de « Médecins du monde », fondateur de l’association « La Chaîne de l’espoir » ; René Frydman, Gynécologue-Obstétricien, Professeur des Universités ; Richard Hasselmann, Président de Libr’Acteurs ; Bernard Kouchner, Fondateur de Médecins du monde et de Médecins sans frontières, Ancien Ministre de la Santé ; Patrizia Paterlini-Bréchot, Professeur de biologie cellulaire et d’oncologie à Necker ; Olivier Saint-Lary, médecin généraliste Président des Universités, Vice-Président du CNGE ; Philippe Sansonetti : Professeur au Collège de France, microbiologiste.
(1) Covid-19 : Plan de sortie de crise, Institut Santé, Paru le 9 avril 2020, disponible ici