Santé : le nouveau modèle français !

A L’aube du XXIème siècle est apparue l’émergence d’un nouveau monde pour l’ensemble des pays développés. Notre protection sociale en général et notre système de santé en particulier nécessitent une refondation pour s’adapter à ce nouveau monde. La crise Covid nous l’a illustré pour la santé.

C’est dans cette quête d’un nouveau modèle social que l’Institut Santé s’est lancé début 2018 et s’est assuré qu’’il constituait un large consensus. Après 3 ans de travaux, ce nouveau modèle a émergé et été décliné pour refondre notre système de santé (1).

 

Les trois piliers stratégiques du nouveau modèle de santé

D’abord, c’est une nouvelle approche culturelle de la santé qui est à entreprendre. La santé est traditionnellement vue comme une source de dépenses publiques de soins. Dans le nouveau modèle, elle est considérée comme une source de bien-être social, de réduction des inégalités sociales, de développement économique, d’autonomie et de dignité des personnes et de pouvoir géopolitique. En bref, la santé est vue comme un renforcement du capital humain et un potentiel d’innovation technologique à saisir. Ceci change radicalement la place de la santé dans la société et en politique.

Ensuite, trois évolutions stratégiques majeures dans la gestion du risque ont permis de construire ce nouveau modèle.

Du soin à la santé : la considération holistique de la santé (la santé globale) induit un modèle qui est au service de la santé des bien portants tout autant que de celle des malades. La prise en compte des déterminants de santé non médicaux, en plus des déterminants médicaux, étend le champ d’actions du système de santé et impose une approche transversale aussi bien sur le plan politique que scientifique. Elle induit aussi l’utilisation plus exhaustive de certains acteurs comme les collectivités territoriales, à travers une politique de décentralisation de certaines missions de santé publique.

Ce premier pilier génère un avantage comparatif par rapport au modèle de 1945 à travers la capacité de réduire les inégalités sociales de santé et d’augmenter l’espérance de vie en bonne santé grâce à la politique de santé. Nous passons du principe du soins pour tous de 1945 à celui de la santé pour tous. Une réorganisation du triptyque gouvernance-financement-organisation s’impose pour accompagner ce virage vers le capital humain en santé.

De l’offre à la demande : le système actuel est piloté à partir de l’offre de santé, le nouveau modèle le sera à partir de la demande, installant l’individu, l’usager en son centre. Cette demande se traduit en termes de besoins de santé et induit un système fondé stratégiquement sur la santé publique (i.e. une approche populationnelle et préventive) et non plus sur le soin. Il induit une territorialisation aboutie de la santé (avec un territoire identique pour tous les soignants) pour répondre de façon personnalisée aux besoins de santé de chacun et adaptée aux territoires.

Cette approche par la demande répond à l’exigence de personnaliser la réponse aux besoins individuels de santé et de prendre en compte l’environnement social et familial des personnes. A titre d’exemple, un contrat thérapeutique est élaboré avec chaque patient souffrant d’une affection de longue durée afin de créer un écosystème personnalisé de ressources humaines, techniques et technologiques pour gérer le parcours du patient. Un budget personnalisé de santé est aussi mis en place pour ces patients. L’accès pour tous aux innovations technologiques est un des défis relevés par cette évolution, ce qui nécessite de réarmer notre recherche médicale et de repenser la gouvernance des produits de santé.

De l’étatisme à la démocratie sanitaire et sociale : un système centré sur l’individu usager et sa santé globale exige un processus de démocratisation avancée. Cet individu capable, informé et responsable de sa santé devient un acteur à part entière du système de santé. A titre d’exemple, les usagers et les patients acquièrent un statut de professionnel de santé dans le nouveau modèle, en tant que représentant, formateur, pair-aidant ou médiateur de santé. La démocratisation des institutions de gouvernance, dont la sécurité sociale et les établissements de santé, redonne une réelle capacité de décision et d‘organisation des soins aux professionnels de santé, dans le cadre défini par la politique de santé nationale.

 

Une base philosophique nouvelle : l’autonomie solidaire

Toute refonte du modèle social doit s’appuyer sur une philosophie, une conception de l’individu et de la société, comme ce fut le cas pour la sécurité sociale en 1945. Pour répondre au changement de l’environnement, nous avons créé le concept d’autonomie solidaire en protection sociale et l’avons décliné dans toutes les composantes du nouveau modèle de santé.

Ce concept prend en compte l’évolution de l’individu anonyme et abstrait vers un individu singulier et unique, à la recherche d’égalité réelle et d’autonomie, de reconnaissance et de dignité, même quand il est en situation de faiblesse et de vulnérabilité.  C’est un individu capable de développer ses potentialités tout au long de sa vie et c’est cette capacité qu’il faut protéger dans le nouveau modèle social.

C’est une nouvelle forme de solidarité qui vient irriguer la protection sociale du XXIème siècle, plus active que dans le modèle de 1945, assise sur le solidarisme et le concept de justice sociale.  Elle garantit que le nouveau modèle renforcera la capacité d’actions de chacun, y compris les plus défavorisés, pour gérer de façon autonome leur risque santé. Ceci est rendu possible par la nouvelle stratégie qui part des besoins de santé, de la santé globale et respectent les choix et aspirations individuels.

Ce nouveau modèle est bien un modèle français car il renforce des fondamentaux existants comme le libre choix de son professionnel de santé, les droits et devoirs, l’égalité des chances, le financement solidaire et l’indépendance professionnelle des soignants. S’il est d’inspiration française, il a une vocation universelle car il relance la vision humaniste et autonome pour tous de la révolution. Cette autonomie n’est pas un repli sur soi mais « un respect pour l’humanité » comme le disait Rousseau.

Nous considérons que ce nouveau modèle social est le seul possible car il fait largement consensus dans la société, il est en phase avec notre culture et il répond pleinement aux principaux défis du XXIème siècle. Il est en mesure de redonner à la France une place enviée dans le monde pour sa qualité de vie. Pour devenir réalité, il reste aux politiques à en débattre dans cette campagne présidentielle !

 

(1) L’autonomie solidaire en santé – Frédéric Bizard – Editions Michalon- Sortie le 21 octobre 2021

 

Signataires

Saïdi Abdelkader, Chirurgien, Expert en Gestion de Crise

Thierry Amouroux, Porte-parole Syndicat Infirmier SNPI CFE-CGC

Catherine Audard, Philosophe, London School of Economics, spécialiste des questions de justice sociale

Jean-Marc Ayoubi, Chef de service de gynécologie-Obstétrique hôpital Foch, Professeur à la faculté de médecine de l’UVSQ

Perle Bagot, Directrice associée au Hub Institute (nouvelles technologies)

Giancarlo Baillet, Directeur chez Centre de gériatrie Beauséjour

Khaldoun Bardi, Chirurgien Cardio-vasculaire, membre de l’Académie européenne des Sciences et des Arts

Sophie Beaupère, Déléguée Générale d’Unicancer

Evelyne Bersier, Docteur en droit de la santé, Membre de la chaire Education santé de l’UNESCO

Frédéric Bizard, Professeur d’économie, ESCP, Président fondateur de l’Institut Santé

François Blanchecotte, Médecin biologiste, Président du CNPS, Vice-Président de l’UNPS

Pierre-Henri Bréchat, Médecin spécialiste en Santé Publique et en Médecine Sociale

Valérie Briole, Médecin Rhumatologue, Présidente URPS-ML Ile-de-France

Eric Campion, Chirurgien-dentiste

Didier Castiel, Economiste de la santé, Université Sorbonne Paris-Nord

Annabelle Champagne, Pharmacienne, Dirigeante Wi Pharma

Alain Coulomb, ancien directeur de la Haute Autorité de santé

Philippe Cuq, Chirurgien, Co-Président de Avenir Spé- Le Bloc

Jean-François Damour, Médecin angiologue

Arnaud Danse, Directeur d’Ophtalmo.TV

Alain Deloche, Professeur de chirurgie, co-fondateur de « Médecins du monde », fondateur de l’association « La Chaîne de l’espoir » ;

Philippe Denoyelle, Chirurgien-dentiste, Président d’Union dentaire

Florence de Rohan-Chabot, Psychiatre, Praticien Hospitalier

Bernard Ennuyer, Sociologue, enseignant chercheur, spécialiste du vieillissement et handicap

René Frydman, Gynécologue-Obstétricien, Professeur des Universités

Christelle Galvez, Directrice des soins, Centre Léon Bérard à Lyon

Benoit Godiart, Enseignant agrégé en sciences médico-sociales, Université Savoie Mont-Blanc

Olivier Goeau-Brissonnière, Chef de service, APHP, Président des Fédérations des spécialités médicales

David Gruson, Directeur Programme Sante Jouve, Fondateur ETHIK-IA

Michel Guilbaud, Associé fondateur de BG Group

Jean-Paul Hamon, Médecin Généraliste, Président d’honneur de la Fédération des médecins de France

Jean-Luc Harousseau, médecin hématologue, Professeur des Universités,  Ancien Président de la Haute Autorité de Santé

Richard Hasselmann, Président de Libr’acteurs, Administrateur de l’Institut Santé

Hubert Johanet, Chirurgien, Secrétaire Général de l’Académie Nationale de Chirurgie

Nathalie Kerjean-Pons, Pharmacien Hospitalier, chef de service AP-HP ; Administratrice de l’Institut Santé

Gérald Kierzek, Médecin Urgentiste

Laurent Lantiéri, Chirurgien Plasticien, APHP, Professeur à l’Université Paris Descartes

Eric Laspougeas, Ex Directeur Général délégué, Vivalto

Guillaume Levavasseur, Consultant en Santé, Innovation & Communication digitale

Marina Lovka, Consultante experte en optique ophtalmique

Philippe Marre, Chirurgien, Président de l’Académie Nationale de Chirurgie

Jean-Philippe Masson, Radiologue, Président de la Fédération Nationale des médecins radiologues

Jérôme Marty, Médecin généraliste, Président du syndicat Union Française pour une médecine libre

Olivier Mercier, Dirigeant d’entreprise

Raymond Merle, Patient expert, Directeur du Département Universitaire des Patients

Nada Nadif, Consultante en management de la santé

Patrick Négaret, Ancien Directeur général de la CPAM des Yvelines

Didier Panchot, Chirurgien-dentiste

Patricia Paterlini-Bréchot, Professeure de biologie cellulaire et d’oncologie à la faculté de médecine Necker-Enfants Malades   

Patrick Pelloux, Médecin urgentiste, Président de l’Association des médecins urgentistes de France

Maxence Pithon, Médecin généraliste, ancien Président de l’Isnar-Img

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France

Marie-José Renaudie, Gynécologue, présidente du syndicat des gynécologues médicaux

Michael Riahi, Médecin Généraliste, Vice-Président les Généralistes- CSMF

Olivier Saint-Lary, Médecin généraliste, Professeur des Universités, Président du Collège National des Généralistes enseignants (CNGE)

Philippe Sansonetti, Professeur au Collège de France, Chercheur à l’Institut Pasteur et à l’INSERM

Jean Sibilia, Professeur des Universités, Ancien Président de la conférence des doyens des facultés de médecine

Ghislaine Sicre, Infirmière, Présidente de Convergence infirmière

Daniel Solaret, Conseil et expertise en système d’informations santé, Ancien membre conseil de Direction CRAM IDF

Monique Sorrentino, Directrice Générale du CHU Grenoble-Alpes

Jean-Paul Thonier, Expert en santé au travail

Michel Tsimaratos, Professeur de médecine, Chef de service, APHM

Laurent   Vercoustre, Praticien Hospitalier, Philosophe

Philippe Vermesch, Médecin stomatologue, Président du Syndicat des médecins libéraux

Serge Zaluski, Médecin Ophtalmologiste, Cofondateur d’Alaxione

 

Publié le 21 octobre 2021 dans Le Point