Santé : un système à reconstruire par un service public territorial de santé !
Tribune Publiée le 30/01/2023 dans Le Point
Notre système de santé traverse une crise profonde qui se dégrade en s’auto-alimentant. La crise aggrave la crise. Tous les secteurs de la santé sont en mode dégradé, l’hôpital étant le réceptacle de toutes les crises.
Face à ce chaos, l’Institut Santé propose de faire basculer notre système de santé vers un service public généralisé à tous le secteurs, piloté à partir de territoires clairement définis et des besoins de santé des citoyens. Ce serait un levier de mobilisation politique et collective puissant, permettant une reconstruction d’un modèle de santé sur des bases solides et consensuelles, adapté à notre culture et aux enjeux.
Un concept français à généraliser à l’ensemble de la santé
La France est pionnière de la notion de service public, partie intégrante de notre identité collective. Dès la fin du XIXème siècle, cette notion a été définie comme une mission d’intérêt général exercée par une personne publique. Dans les années 30, elle s’est ouverte au secteur privé. Les lois de Rolland en 1938 vont alors caractériser ces services à partir des principes d’égalité (universalité, neutralité, laïcité), de continuité et de mutabilité (adaptabilité).
Il s’en suivra la création de la Sécurité sociale en 1945, le premier grand service public décentralisé et géré par des organismes privés. Même si l’État en détenait la tutelle dans sa conception originelle, ses fondateurs ont conçu une gestion originale et novatrice pour éviter que la puissance de l’État devienne excessive, absorbe les initiatives individuelles et développe trop de bureaucratie.
Ces dernières années, l’étatisation croissante de l’assurance maladie l’a rendu largement impuissante pour remplir ses objectifs historiques. Sa gestion et son organisation sont à reconstruire dans le sens d’un service public décentralisé et autonome, impliquant les bénéficiaires.
Un service public hospitalier a été instauré en 1970 visant à « garantir à chaque citoyen dans des conditions d’égalité, quels que soient son niveau de revenu et son lieu d’habitation, l’accès à l’ensemble des biens et des services jugés fondamentaux ». A ce jour, comme l’a illustré le début de la gestion de la crise Covid, l’État considère encore le secteur hospitalier (et seulement certains établissements) comme le seul dépositaire du service public en santé. C’est une source majeure de l’effondrement de l’hôpital.
Une situation qui participe à l’effondrement du système tant les champs de l’ambulatoire, de la prévention, de la recherche et de l’industrie sont stratégiques pour une gestion efficiente de la santé au XXIème siècle et dans la reconstruction d ‘un modèle républicain à la française.
Ainsi, l’extension du service public à tous les services essentiels du santé s’imposent dans une logique d’un modèle de santé globale (et pas uniquement de soin) universel.
Pour une base territoriale claire et un service centré sur les besoins des citoyens
Cette évolution du soin vers la santé globale s’accompagne d’une gestion des ressources à partir des besoins populationnels en santé et non plus de l’offre de soins. Ainsi, ce service public doit être centré sur l’usager et piloté au plus près des bénéficiaires pour répondre au mieux à leurs besoins et tenir compte des spécificités territoriales.
C’est ainsi que l’Institut Santé propose un service public territorial de santé organisé à partir de 450 territoires de santé couvrant en moyenne 150 000 habitants, et s’intégrant dans les limites départementales. De la même façon que les départements ont été définis par Napoléon 1er dans l’idée pragmatique d’être parcourable en une journée à cheval, ces territoires de santé seront conçus pour apporter une réponse concrète dans cet espace géographique à tous les besoins essentiels de santé de chaque citoyen dans les meilleures conditions possibles de qualité, sécurité et accessibilité. Ils deviendront les bassins de vie sanitaires de la population.
Piloté par les acteurs de santé, dont des représentants élus démocratiquement composeront un groupement territorial de santé, ce service public territorial sera délivré par l’ensemble de l’offre publique et privée de santé du territoire, de tous les secteurs. En cela, il sera le reflet du rétablissement de la responsabilisation, de la capacité d’actions et d’innovations des acteurs de santé dans leur organisation professionnelle, ingrédients indispensables pour retrouver du sens et de l’attractivité de ces professions.
Une refonte de la gouvernance
Le financement par la branche santé de la sécurité sociale de cette offre sera la contrepartie du respect du cahier des charges de ce service public. Ainsi, tous les professionnels de santé salariés et libéraux conventionnés auront la responsabilité commune de la permanence et de la continuité des soins, de l’accès à tous les citoyens du territoire à l’ensemble des prestations de santé d’un territoire.
L’assurance santé (branche santé de la sécu) sera ainsi l’opérateur unifiée et le chef d’orchestre de cette organisation démocratique et décentralisée de la santé en France. L’État, via ses agences régionales de santé publique, assurera le respect des lois et des objectifs sanitaires nationaux, les fonctions régaliennes de santé publique et la recherche de la meilleure égalité possible entre les territoires.
Les mutuelles financeront exclusivement un panier de soins non couverts par la sécu et seront un acteur de l’économie sociale et solidaire en santé, notamment sur une offre sociale de santé et sur la dépendance.
Le service public territorial de santé reconstruira ainsi un modèle universel, solidaire et inclusif à la française. Il s’appuiera sur la répartition des rôles entre la démocratie politique (l’État) et la démocratie sociale (la sécu, acteurs de santé) instaurée en 1945 et largement dévoyée aujourd’hui au profit exclusif de la première.
Enfin, ce service public territorial de santé permettra une reconstruction de la santé sur des bases consensuelles très larges au sein de la population et des partis politiques. Il est assis sur des droits et des devoirs en santé publique partagés entre tous les acteurs de la santé, tout en respectant les spécificités de chacun.